Littérature écranique

Si Gérard Genette dans Nouveau Discours du récit affirmait d’abord que le style d’un écrivain ne pouvait se comparer à celui d’une caméra puisqu’il n’en avait pas, il se reprenait cependant et ajoutait en note : « Il est vrai qu’il peut aujourd’hui, “effet rebound” d’un médium sur l’autre, feindre d’en avoir une. » [1]

Ainsi, dans de nombreux textes contemporains, l’écriture romanesque se mêle à l’écriture filmique – par l’intermédiaire d’allusions, de citations, ou d’emprunts formels plus nettement revendiqués – certains passages transformant même le lecteur en spectateur tandis que les personnages semblent parfois presque être les acteurs d’un film. Ce genre hybride, entre littérature et film (de cinéma ou de télévision), est ainsi le reflet d’une écriture privilégiant l’échange, l’interaction entre les arts et leurs différents supports médiatiques. Une intermédialité qu’André Gaudreault, propose de définir dans son ouvrage intitulé Du littéraire au filmique :

« L’intermédialité est […] ce concept qui permet de désigner le procès de transfèrement et de migration, entre les médias, de formes et de contenus, un procès qui est à l’œuvre de façon subreptice depuis déjà quelque temps mais qui, à la suite de la prolifération relativement récente des médias, est devenu aujourd’hui une norme à laquelle toute proposition médiatisée est susceptible de devoir une partie de sa configuration. » (175)

Lire la suite...

Le mot et l’image…

Par un subtil mélange de mots et d’images, certains textes littéraires se donnent à voir autant qu’ils se donnent à lire. Les images ainsi générées peuvent d’ailleurs prendre forme sans toutefois (ou pas toujours), exister sous une forme iconique. C’est ce que souligne Jonathan Rée : “Hearing is no more specifically temporal than seeing is specifically spatial, and the only puzzle, it would seem, is that such notions could ever have been considered a plausible basis for a theory of arts.” [1] Les images dans le texte peuvent ainsi être conçues comme la chair du texte, sa voix, et font voir pour mieux faire croire car « pour celui qui veut raconter, le problème est avant tout de faire voir, afin de mieux convaincre auditeur ou lecteur de sa véracité. » [2]

Lire la suite...

« From Page to Stage » : Pensées Secrètes de David Lodge

©DELALANDE RAYMOND/SIPA

Si, dans un récit, les citations, les allusions (qu’elles soient explicites ou implicites) à d’autres textes littéraires sont du ressort de l’intertextualité, les références à d’autres media (filmique, théâtral, pictural…) sont, elles, du ressort de l’intermédialité. Une notion qui, selon André Gaudreault désigne : « les implications discursives de cette (…) interpénétration des médias (émergence de nouvelles formes de discours, de transmission et de réception des savoirs, mondialisation des enjeux de la création artistique, redéfinition des territoires culturels, etc.) » [1]

Lire la suite...

« De la page à l’écran : Nice Work de David Lodge »

« Ecrire, c’est inventer des images.
Filmer, c’est écrire autrement »*

Le terme « itinéraire(s) » semble on ne peut plus approprié lorsqu’il s’agit d’aborder le roman Nice Work de David Lodge et son adaptation télévisuelle. C’est-à-dire non seulement le chemin parcouru lors du passage de l’écrit à l’écran mais également les nouveaux itinéraires de lecture, qui s’offrent au lecteur devenu spectateur. Ainsi, en choisissant d’adapter lui-même ce roman, l’écrivain ne se situe plus uniquement « à la croisée des chemins » (titre justement choisi par Marc Amfreville pour traduire le titre du célèbre essai lodgien « The Novelist at the Crossroads » mais aussi « à la croisée des media… »

Lire la suite...

“Betty Fisher et autres Histoires”.

Entretien avec Claude Miller

C’est dans les bureaux des « Films de la Boissière » que cet entretien avec Claude Miller a eu lieu le 11 janvier 2002. L’occasion pour le cinéaste d’évoquer les relations parfois ambiguës qu’entretiennent écriture romanesque et écriture filmique, et plus spécifiquement son film Betty Fisher et autres histoires, adapté du roman de Ruth Rendell, The Tree of Hands.

Sophie Gaberel-Payen : Vous semblez beaucoup apprécier la littérature anglo-saxonne notamment pour son mélange des genres. Vous avez adapté, entre autres, des romans de Patricia Highsmith, John Wainwright, Ruth Rendell. Dans Betty Fisher et autres histoires vous faites même un clin d’œil à l’auteur (lorsque Alex se rend dans la bibliothèque pour chercher de l’argent après que sa maîtresse fut partie) et l’on voit apparaître un livre portant le nom de Ruth Rendell…

Claude Miller : Ah, oui. C’est une chose qui est arrivée (je crois que ce n’était même pas dans le scénario), en repérant le décor. Il y avait un endroit où il y avait une bibliothèque et je me suis dit que ce serait amusant : un coup de chapeau et un hommage à Rendell. C’est ce que je me suis amusé à faire.
Sinon, les romans anglo-saxons, je m’en rends compte depuis peu, ce n’était pas du tout conscient de ma part. Mais il y a une raison qui me paraît assez simple qui est que, par tradition (en tout cas au 20ème siècle, il me semble), la littérature anglo-saxonne est assez phénoménologique.

Lire la suite...