« From Page to Stage » : Pensées Secrètes de David Lodge

©DELALANDE RAYMOND/SIPA

Si, dans un récit, les citations, les allusions (qu’elles soient explicites ou implicites) à d’autres textes littéraires sont du ressort de l’intertextualité, les références à d’autres media (filmique, théâtral, pictural…) sont, elles, du ressort de l’intermédialité. Une notion qui, selon André Gaudreault désigne : « les implications discursives de cette (…) interpénétration des médias (émergence de nouvelles formes de discours, de transmission et de réception des savoirs, mondialisation des enjeux de la création artistique, redéfinition des territoires culturels, etc.) » [1]

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Pensées Secrètes : memorandum…

Secret Thoughts, la pièce de théâtre de David Lodge (publiée en 2011), est adaptée en français au théâtre Montparnasse sous le titre Pensées secrètes [1] en janvier 2012. A l’origine de cette pièce à deux personnages : le roman Thinks… (2001) dont le style d’écriture possédait, déjà, des caractéristiques théâtrales. A la manière d’Henry James, Lodge utilise en effet dans ce récit une méthode à la fois très introspective mais aussi très « scénique », celle à laquelle James s’exhortait (“Dramatise! Dramatise!”) – une méthode semblant parfois transformer les pages du roman en une véritable scène de théâtre…

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Définition(s)

“[T]here is nothing we can say about the scale and matter typical of novels that cannot be matched […]

in non-literary narrative fictions such as movies and TV serials.”

(David Lodge. The Novelist at the Crossroads, 64-65)

 

Michel Serceau définit l’adaptation littéraire par la notion de « dialogue » entre les deux supports médiatiques que sont le roman et le film [1] et, avec lui, de nombreux auteurs ont proposé de définir ce qu’est une adaptation. Posons d’emblée les caractéristiques de celle-ci telles qu’elles sont présentées par Marie-Claire Ropars :

« Un film peut être littéraire par son sujet, son public, son réalisateur, ce qui a une signification plus sociologique que proprement esthétique ; il peut l’être aussi par ses emprunts à des romans ou à des pièces – éternelles trahisons dont il est grand temps de lever l’hypothèque ; il peut l’être enfin par l’injection forcée de procédés littéraires dans les composantes de l’expression-parole, ou même image. » [2]

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David Lodge et l’adaptation

Si l’on ne peut aborder l’œuvre de David Lodge en marge de ses travaux critiques, il est également intéressant de le faire en fonction des différents media qu’il utilise : adaptation filmique ou, plus récemment, adaptation théâtrale de ses propres romans (Secret Thoughts, 2011), l’engagement de l’auteur envers l’adaptation littéraire se fait, en effet, de plus en plus marqué.

Ce qui illustre en premier lieu un trait essentiel de son écriture : la définition d’une pratique artistique vue essentiellement comme moyen de communication envers un lectorat et un public qu’il souhaite le plus large possible. Si ce trait est déjà caractéristique de ses romans, de sa critique, il l’est également de son utilisation de différents supports fictionnels.

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“Like White Spaces on Old Maps”: espace et création littéraires dans l’oeuvre de David Lodge

“Every story has a story. This secret story, which has little chance

of getting told, is the history of its creation[1].”

Carte et image… carte comme langage… carte mentale représentant le fonctionnement de la pensée… autant de métaphores que l’écrivain David Lodge utilise lorsqu’il décrit le processus de création littéraire qui lui est propre : “I have a provisional plot before I start writing, but it has a lot of blanks, like white spaces on old maps, which I fill up as I go along and that usually entails changing the outline I started with.” [2]

Cette métaphore visuelle ne peut alors qu’influencer la lecture des textes mais également celle des avant-textes de l’auteur – notamment les archives intitulées “The David Lodge Papers[3],” qu’il a léguées au Special Collections Department de l’Université de Birmingham – puisqu’elle transforme ainsi le simple lecteur en véritable « lecteur-cartographe ». Ces archives comportent des manuscrits d’ouvrages critiques et littéraires, les carnets de notes que David Lodge consacre à chacun de ses romans, les scénarii des adaptations télévisuelles auxquelles il a participé, diverses correspondances, ainsi que le manuscrit d’un roman jamais publié : The Devil, the World and the Flesh, datant de 1953 et précurseur d’How Far Can You Go? (1980). Quant aux documents abordés ici, ce sont principalement les carnets consacrés à Nice Work (1988), Small World (1984), et The Writing Game (1991), la première pièce de théâtre écrite par David Lodge.

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« Des scénarios fictifs au scénario de fiction : Paradise News de David Lodge »

Après que l’écrivain David Lodge ait contribué en tant que scénariste à certaines adaptations filmiques de ses propres romans (Small World en 1988, Nice Work en 1989) ou encore à celle de Martin Chuzzlewit de Dickens (en 1994) pour la télévision britannique, c’est son roman Paradise News (1991), qui faillit faire l’objet d’une adaptation française au cinéma. En janvier 2005, en effet, l’écrivain se vit proposer ce projet par la scénariste Olga Vincent dont le précédent film était, par ailleurs, déjà une adaptation littéraire (Vipère au poing, d’après le roman d’Hervé Bazin).

David Lodge fut très vite séduit : “Of all the several approaches I have had from French film producers to option my books, Olga’s was easily the most professional, and she convinced me that she would do a sensitive, decent adaptation […] this novel […] is in many ways more like a story in a European film than in a Hollywood or even a British feature film, so I thought I would make the experiment[1].” Le genre même du roman se prêtait d’ailleurs mieux, selon lui, à une version européenne : “Both Paradise News and Therapy were too expensive for television because they involve a lot of exotic locations, they both involve travelling around the world […] but they don’t fit in any recognised cinematic genre […] That’s why I hope [Paradise News] might work as a French language film, because European films are less genre-oriented than Anglo-American films, I think [2].”

Si cette adaptation ne vit finalement pas le jour, l’évocation de ce projet est l’occasion d’aborder ici le statut du scénario ainsi que les relations qu’entretient l’écriture lodgienne avec le médium filmique.

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« De la page à l’écran : Nice Work de David Lodge »

« Ecrire, c’est inventer des images.
Filmer, c’est écrire autrement »*

Le terme « itinéraire(s) » semble on ne peut plus approprié lorsqu’il s’agit d’aborder le roman Nice Work de David Lodge et son adaptation télévisuelle. C’est-à-dire non seulement le chemin parcouru lors du passage de l’écrit à l’écran mais également les nouveaux itinéraires de lecture, qui s’offrent au lecteur devenu spectateur. Ainsi, en choisissant d’adapter lui-même ce roman, l’écrivain ne se situe plus uniquement « à la croisée des chemins » (titre justement choisi par Marc Amfreville pour traduire le titre du célèbre essai lodgien « The Novelist at the Crossroads » mais aussi « à la croisée des media… »

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“Betty Fisher et autres Histoires”.

Entretien avec Claude Miller

C’est dans les bureaux des « Films de la Boissière » que cet entretien avec Claude Miller a eu lieu le 11 janvier 2002. L’occasion pour le cinéaste d’évoquer les relations parfois ambiguës qu’entretiennent écriture romanesque et écriture filmique, et plus spécifiquement son film Betty Fisher et autres histoires, adapté du roman de Ruth Rendell, The Tree of Hands.

Sophie Gaberel-Payen : Vous semblez beaucoup apprécier la littérature anglo-saxonne notamment pour son mélange des genres. Vous avez adapté, entre autres, des romans de Patricia Highsmith, John Wainwright, Ruth Rendell. Dans Betty Fisher et autres histoires vous faites même un clin d’œil à l’auteur (lorsque Alex se rend dans la bibliothèque pour chercher de l’argent après que sa maîtresse fut partie) et l’on voit apparaître un livre portant le nom de Ruth Rendell…

Claude Miller : Ah, oui. C’est une chose qui est arrivée (je crois que ce n’était même pas dans le scénario), en repérant le décor. Il y avait un endroit où il y avait une bibliothèque et je me suis dit que ce serait amusant : un coup de chapeau et un hommage à Rendell. C’est ce que je me suis amusé à faire.
Sinon, les romans anglo-saxons, je m’en rends compte depuis peu, ce n’était pas du tout conscient de ma part. Mais il y a une raison qui me paraît assez simple qui est que, par tradition (en tout cas au 20ème siècle, il me semble), la littérature anglo-saxonne est assez phénoménologique.

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